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Slate Afrique : Aqmi kidnappe, le tourisme trinque


Au Mali, la situation économique des régions qui dépendent du tourisme est de plus en plus inquiétante. Pour certains, la France, avec ses « conseils aux voyageurs » alarmants, est en partie responsable.


Bamako Train Station, by upyernoz via Flickr CC

Depuis des mois, les annulations s’accumulent dans la boîte mail d’Hervé Panzani. Pas facile d’être hôtelier à Tombouctou en 2011. Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) diffuse des vidéos des otages enlevés à Arlit (Niger) ; l’ambassade de France à Bamako publie des alertes enlèvement ; les pays occidentaux dispensent d’impitoyables conseils aux voyageurs et l’assassinat d’Oussama Ben Laden fait craindre des représailles au Sahel. Les touristes ne se font donc pas prier pour aller voir ailleurs. A tort, selon ce Français qui a perdu 60% de sa clientèle cet hiver.

« Huit Français sont morts dans un attentat au Maroc et la France ne déconseille pas pour autant d’y aller ! », s’agace-t-il.

Selon lui, l’ambassade de France —avec laquelle il dit n’avoir plus de relations— « fait de l’intox » en déconseillant aux Français de voyager au Mali. « Bien sûr qu’il pourrait se passer quelque chose, mais comme partout. [Comme le signale également le Quai d’Orsay, ndlr] Alors pourquoi le Mali ? » Selon lui, c’est notamment pour pousser ce pays à signer les accords de gestion concertée des flux migratoires —une théorie partagée par une partie des expatriés et de la presse locale.

Un gouvernement, plusieurs sons de cloche

Au sein du gouvernement malien —remanié début avril— cette ritournelle jusqu’alors appréciée commence à lasser certains. Le ministre des Affaires étrangères Soumeylou Boubeye Maiga, ancien ministre de la Défense et ex-chef des services de renseignement, a déclaré au quotidien français Le Monde le 4 mai 2011 qu’il était « décidé à rompre avec le discours de victimisation qui a prévalu jusqu’à présent et [admettait] que la sécurité de ressortissants français a pu être mise en danger ».

Une position très éloignée de celle du ministère de la Sécurité intérieure qui écrivait quelques jours après la diffusion de deux alertes enlèvement par l’ambassade de France qu’« à ce jour, aucune preuve tangible ne permet de soutenir cette prétendue insécurité », et invitait « les amis du Mali à travers le monde et tous ceux qui désirent visiter le Mali (…) à ne rien changer à leurs programmes ». L’ancien ministre du Tourisme évoquait quant à lui une « campagne de désinformation » menée par la France.

Reprise du dialogue

Ce changement de ton coïncide avec le réchauffement des relations entre le Mali et ses voisins sahéliens. En 2010, la Mauritanie et l’Algérie avaient rappelé leur ambassadeur à Bamako après la remise en liberté par le Mali de quatre islamistes en échange de la libération de Pierre Camatte. Le président du Mali Amadou Toumani Touré déclarait alors que « ce qui manque à cette région, c’est le déficit de coopération sous-régionale. Tout le monde parle, chacun reste chez soi, personne ne veut rien faire et la responsabilité, c’est l’autre ».

Depuis, le dialogue a repris au plus haut niveau. Les chefs d’état-major de l’Algérie, de la Mauritanie, du Niger et du Mali se sont réunis à Bamako le 29 avril 2011 et une réunion des ministres des Affaires étrangères aura lieu en mai avant une visite du président malien Amadou Toumani Touré à Alger. Des échanges rendus de plus en plus urgents par la crainte partagée des deux côtés de la Méditerranée que des armes récupérées en Libye se retrouvent entre les mains de combattants d’Aqmi.

Sale temps pour le tourisme

Pendant ce temps, c’est la population malienne qui trinque. Toute la chaîne économique du tourisme est touchée, des agences de voyages jusqu’aux éleveurs. Une situation particulièrement inquiétante dans les régions qui dépendent le plus du tourisme.

« Tombouctou vit à 65% du tourisme et à 35% de la contrebande, estime Hervé Panzani. J’ai peur que la tendance s’inverse. »

Certains de ses collègues ont déjà mis la clef sous la porte. « Au pays Dogon j’ai vu des guides qui se remettaient à cultiver les champs », rapporte Anne Doquet, anthropologue spécialiste de la région. A Sévaré, située au carrefour de plusieurs sites touristiques, Malick Napo est plus que remonté contre les recommandations de la France. « C’est des conneries, il n’y a rien du tout ! », assure ce professionnel du tourisme malien, qui constate la rancœur grandissante de la population contre le président français Nicolas Sarkozy. Les dizaines de militaires français stationnés à Sévaré qui viennent régulièrement barboter dans la piscine de son hôtel « ne servent à rien », assène-t-il.

Les effets de la menace terroriste et des recommandations se font ressentir jusqu’à Bamako, la capitale malienne, d’où la plupart des volontaires français sont partis, sur décision du Quai d’Orsay. Dans les allées boueuses du marché artisanal de Ngolonina, les dizaines de vendeurs assis devant leurs boutiques attendent des touristes qui ne viennent pas, pendant que les artisans confectionnent des bijoux qui ne se vendent pas. Deux à trois visiteurs par jour maximum et autant de litres de thé pour faire passer le temps.

Chèche blanc sur la tête, Mouhamed Dicko a quitté il y a un mois sa ville de Tombouctou désertée par les touristes. Les affaires ne vont guère mieux à Bamako pour ce jeune touareg. Alors il ira chercher les touristes là où ils sont, « peut-être au Sénégal », en attendant que la carte de son pays verdisse un peu sous les crayons des dessinateurs-décideurs du Quai d’Orsay.

Fabien Offner

 

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source : http://www.slateafrique.com/1897/ma...

jeudi 12 mai 2011

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