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Manden donsolu kalikan / Le Serment des chasseurs du Mandé (1222)


Le texte du Serment des Chasseurs [1] que nous publions ici en bambara pour la première fois, s’appuie sur une transcription faite par Gérard Galtier [2] (pdf ci-joint) sur la base du livre de Youssouf Tata Cissé, "La Charte du Mandé et autres traditions du Mandé" [3] (image plus bas, tirée du livre).

Ainsi que l’indique Gérard Galtier, ce texte n’est pas à confondre avec ce que l’on appelle généralement la Charte du Mandé (que nous publierons prochainement), qui, elle, a été transcrite à partir de ce que plusieurs griots ont rapporté de ce qu’ils savaient de la réunion de Kouroukanfouga : Ce document historique, ils l’avaient appris, chacun séparément, lors de leur formation auprès de leurs aïeux griots, et ce de génération en génération depuis 1236, soit postérieurement à ce Serment des chasseurs : 1222. Ce dernier a été recueilli par Youssouf Tata Cissé en malinké à Kangaba auprès d’un seul griot.

Statuette mandingue
approximativement contemporaine du Serment des Chasseurs : datée entre 939 et 1299
Louvain 1980 - Histoire générale de l’Afrique https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000184313

Nous l’avons retranscrit en bambara, nous appuyant notamment sur le travail fait par Mamadou Konta (Académie Malienne des Langues, journal Kibaru), et sur la publication sur le site Fasokan. Nous avons repris la traduction française sur des points de détail, avec le souci de coller au plus près du texte d’origine.

Donsolu kalikan Le serment des chasseurs.
Manden sigira bɛn ni kanu de kan, ani hɔrɔnya ni badenya. C’est sur la concorde et l’amour que fut fondé le Mandé, ainsi que sur la liberté et la fraternité.
O kɔrɔ de ye ko siyawoloma tɛ Manden tugun. Cela signifie donc qu’il n’y aura plus jamais de racisme dans le Mandé.
An ka kɛlɛ kɔrɔ dɔ filɛ nin ye. Voici le sens de notre combat.
O la sa, saanɛ ni kɔntɔrɔ denw bɛ na u kanbɔ diɲɛ fan tan ni fila ma, Manden bɛɛ lajɛlen tɔgɔ la. C’est pourquoi les enfants de Saane et Kontoron sont venus s’adresser aux douze parties du monde, au nom du Mandé tout entier :
1. Donsow ko : 1. Les chasseurs déclarent :
Ko ni bɛɛ ye ni ye. Toute vie humaine est une vie.
Ko tiɲɛ kɔni don, ko ni bɛ bɔ fiɲɛ na ni ɲɛ, Il est vrai que le souffle d’une vie précède une autre vie,
Ko nka ni man kɔrɔ ni ni ye, Mais une vie n’est pas plus ancienne qu’une autre vie,
Ko ni man fisa ni ni ye. Une vie n’est pas préférable à une autre vie.
2. Donsow ko : 2. Les chasseurs déclarent :
Ko ni bɛɛ ye ni ye, Toute vie est une vie,
Ni tɔɔrɔ sarabali tɛ. Tout tort causé à une vie ne reste pas sans réparation.
O la sa, ko mɔgɔ si kana bila i sigiɲɔgɔn na, Par conséquent, que nul ne s’en prenne à son voisin,
Ko mɔgɔ kana i mɔgɔɲɔgɔn nimatɔɔrɔ, Que nul ne fasse souffrir son prochain,
Ko mɔgɔ kana i mɔgɔɲɔgɔn lajaba. Que nul ne tourmente son semblable.
3. Donsow ko : 3. Les chasseurs déclarent :
Ko bɛɛ k’i janto i mɔgɔɲɔgɔnw na, Que chacun veille sur son prochain,
Ko bɛɛ k’i bangebagaw bato, Que chacun vénère ses géniteurs,
Ko bɛɛ k’i denw lamɔ a ɲɛ ma, Que chacun élève ses enfants comme il faut,
Ko bɛɛ k’i ka dumɔgɔw ladon. Que chacun prenne bien soin de sa famille.
4. Donsow ko : 4. Les chasseurs déclarent :
Ko bɛɛ k’i janto i faso la, Que chacun veille sur la terre de ses pères.
Ko n’i ye a mɛn ko faso, n’o ye jamana ye, ko mɔgɔw ko don. Ce que l’on entend par patrie, c’est à dire le pays, c’est des hommes qu’il s’agit,
Ko ni mɔgɔ banna jamana o jamana kɔkan, ko o jamana o dugukolo yɛrɛ bɛ ɲɛnafin. Car si les hommes disparaissait de la surface de quelque pays que ce soit, ce pays ou cette terre elle-même le regretterait.
5. Donsow ko : 5. Les chasseurs déclarent :
Ko kɔngɔ man ɲi, La faim n’est pas une bonne chose,
Ko jɔnya man ɲi ; L’esclavage n’est pas une bonne chose ;
Ko kɔngɔ ni jɔnya ɲɔgɔn ko jugu tɛ, diɲɛso yan. Il n’y a pire calamité que la faim et l’esclavage dans ce bas monde.
Ko ka ton ni kala to anw bolo, ko kɔngɔ tɛ mɔgɔ faga tugun, Manden, ni ja kɛra nafɛn ye. Tant que nous garderons le carquois et de l’arc à la main, la faim ne tuera plus personne dans le Mandé, si la sécheresse devient chose récurrente.
Ko kɛlɛ tɛ dugu ci tugun, Manden, ka a jɔn bɔ ; La guerre ne détruira plus jamais de village pour y prélever des esclaves ;
Ko nɛgɛ tɛ don mɔgɔ da la tugun, Manden, ka taa a feere ; Le mors ne sera plus mis dans la bouche de quiconque, au Mandé, pour aller le vendre ;
Ko mɔgɔ tɛ bugɔ tugun, Manden, sanko k’a faga, k’i ye jɔnden ye. Personne ne sera non plus battu au Mandé, a fortiori mis à mort, parce qu’il est rejeton d’esclave.
6. Donsow ko : 6. Les chasseurs déclarent :
Ko jɔnya silasara bi, Manden dɛnɛn n’a dɛnɛn ; L’esclavage a été éradiqué ce jour, au Mandé, d’une place fortifiée à l’autre ;
Ko binnkanni dabilala bi, Manden, "Les razzias cesseront à compter de ce jour au Mandé ,"
Ko ɲani jugu banna bi, La terrible misère disparaîtra à partir de ce jour,
Kɔngɔ man ɲi, malo tɛ kɔngɔtɔ la ; La faim n’est pas une bonne chose, il n’y a plus de pudeur chez l’affamé ;
Ɲani man ɲi, jɔyɔrɔ tɛ ɲanibagatɔ la ; La misère n’est pas une bonne chose, le miséreux n’a pas de place ;
Danbe tɛ jɔn na, diɲɛ yɔrɔ si la. L’esclave n’a pas de dignité, nulle part dans le monde.
7. Fɔlɔmɔgɔw ko : 7. Les gens d’autrefois disaient :
Ko mɔgɔninfin yɛrɛkun, a kolo n’a bu, a sɛmɛ n’a fasa, a golo n’a farikansi, ko olu bɛ balo suman ni ji de la ; « L’homme en tant qu’individu, Fait d’os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau recouverte de poils, c’est de céréales et d’eau qu’il se nourrit ;
Ko nka k’a ni bɛ balo fɛn saba la : Mais son âme se nourrit de trois choses :
Sagonamɔgɔye, sagonakumafɔ, ani sagonakumafɔ ; Voir ceux qu’il a envie de voir, dire ce qu’il a envie de dire, et faire ce qu’il a envie de faire.
Ko ni nin fɛn saba dɔ ye ni majɛ, ko ni b’i tɔɔrɔ, ko ni b’i cɔɔlɔ, Si une seule de ces choses manquait à l’âme, l’âme en souffrirait, l’âme dépérirait. »
O la sa, donsow ko : En conséquence, les chasseurs déclarent :
Ko bɛɛ wasa b’i yɛrɛ la, Chacun trouve en lui-même sa satisfaction,
Ni a ma kɛ i faso tɛnɛtiɲɛ ye, ko bɛɛ ta ye i sɔrɔfɛn ye. Tant que cela ne porte pas atteinte aux interdits de la patrie, à chacun ses sources de revenus,
Manden kalikan filɛ nin ye, k’a da diɲɛ bɛɛ lajɛlen tulo kan. Tel est le Serment du Mandé à l’adresse des oreilles du monde tout entier.
La Charte du Mandé
Texte original de la Charte du Mandé
Albin Michel, 2003
Retranscription de la Charte des Chasseurs du Mandé par Gérard Galtier

Notes

[1également appelé "Charte du Mandé"

[2Gérard Galtier, responsable d’édition, auteur d’une thèse sur les parlers mandingues, professeur à l’Inalco,...

[3Youssouf Tata Cissé, "La Charte du Mandé et autres traditions du Mandé", éditions Albin Michel, 2003

vendredi 22 décembre 2023

Messages

  • Ce texte n’est pas en maninka-mori-kan, mais en malinké de Siguiri et Kangaba.
    En maninka-mori-kan, la consonne "g" intervocalique disparaît.
    Par ailleurs, vous n’avez respecté ni la graphie de Youssouf Tata Cissé, ni la mienne (faite en accord avec Youssouf).

    — Youssouf Tata Cissé était complètement opposé à la graphie API utilisée dans votre envoi, car il savait bien que celle-ci était un moyen de réserver l’usage du mandingue écrit à une poignée d’universitaires et d’empêcher sa diffusion dans l’ensemble de la population (raison pour laquelle cette graphie à reçu l’appui à la fois des organismes de francophonie, et des linguistes maliens à la recherche de reconnaissance scientifique chez leurs collègues de l’étranger).

    — Le texte de cette Charte des Chasseurs a été fourni par une seule personne de la région de Kangaba, mais ce n’est pas une reconstruction à partir des apports de différents griots. Il y a là une confusion avec une autre charte : la "Charte de Kurukan-Fuga", qui est effectivement une reconstruction à partir de sources diverses. Mais il se trouve que la plupart des commentateurs n’ont lu (au mieux !) qu’une seule charte et non pas les deux ; sans parler de ceux qui n’ont lu aucune des deux, ce qui ne les empêche pas de citer la "Charte du Mandé" dans des assemblées internationales (style Unesco) ! Cette confusion continue, car chacune des deux chartes est généralement citée sous la même appellation de "Charte du Mandé" !

    — En fait, à la lecture, on se rend compte que ces deux chartes sont d’un esprit très différent. En effet, la Charte des Chasseurs est un texte, qui se place dans un contexte animiste, et dont le but est de lutter contre l’esclavage, alors que que la Charte de Kurukan Fuga est un texte, qui se place dans un contexte musulman, qui crée une constitution pour le nouveau royaume mandingue, qui entérine la division en castes et qui cautionne l’esclavage.

    Gérard Galtier

  • Merci à Gérard Galtier pour sa réaction rapide et vive !
    Nous avons corrigé en conséquence notre article :

     pour préciser dès l’introduction que le texte publié ici est en bambara, c’était indiqué mais plus discrètement un peu plus bas. Ce n’est pas le texte de Gérard Galtier, par correction nous avons ajouté ce texte à l’article (pdf).

     pour corriger les commentaires confus que nous avions faits (maninka-morikan, griots), en effet nous avions, nous aussi, fait la confusion avec la Charte du Mandé (sur laquelle nous étions en train de travailler).

     nous n’entrerons pas dans la polémique sur l’écriture des langues mandé, mais il est important que nos lecteurs sachent que ce débat existe, et que nous remercions Gérard Galtier de le porter.

  • Superbe découverte de ce texte Merci
    quelle
    est cette personne qui a transmis ce texte et à qui l’a t elle transmis ? Je ne suis pas sure d’avoir saisi merci

NB: Pour un message en privé à l'auteur, envoyer un email à : contact@mali-pense.net

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