MALI PENSE

"Honni soit qui mal y pense" ? Non ! Heureux soit qui "Mali" pense, car c'est un beau voyage qui l'attend...

L’Hymne du Mali

Il y a aujourd’hui 60 ans, de grands hommes se sont penchés sur le berceau de l’hymne du Mali.

C’est Modibo Keïta (Módìbo Kéyità) qui a demandé à son ami Seydou Badian Kouyaté (Sédu Bàjan Kúyate) de composer l’hymne du Mali. On est encore à l’époque de la Fédération du Mali, nation indépendante depuis le 20 juin 1960, fédération regroupant Sénégal et Mali, et l’unité de l’Afrique est un thème dominant de l’hymne.

Cet hymne fut décrété Hymne du Mali il y a 60 ans aujourd’hui (novembre 2022) : Il a été adopté par la loi 67-72 du 9 août 1962, soit un peu plus d’un mois avant l’indépendance officielle du 22 septembre 1962.

Seydou Badian KOUYATE, plus connu sous le nom de Seydou Badian, médecin de formation, poète, est un écrivain reconnu internationalement et homme politique malien né à Bamako (Soudan français) le 10 avril 1928 et décédé le 28 décembre 2018 à Bamako (Mali). Ses livres, notamment Sous l’orage (1957) ont marqué son époque.

Interview par Droit Libre TV (2015)

La musique a été composée par rien de moins que Bazoumana Sissoko (Bàsumana Sìsɔkɔ), « le vieux lion », « le griot des griots ». Après l’indépendance, il fut un défenseur acharné du jeune État malien en chantant des titres comme Mali. Son style de musique , le jànjo (« hymne à la bravoure »), est caractéristique de la région de Ségou, où il serait né le jour de la prise de la capitale bambara par Archinard en 1890. Bazoumana Sissoko est mort le 29 décembre 1987.

La traduction est de Abdoulaye Barry (Abdulayi Bari), faite en 1979. Fondateur des éditions Jamana, membre de Bɛnbakan dungew, professeur d’anglais, parlait aussi le français et le fulfuldé, directeur de l’alphabétisation, « un géant de la culture » selon le journal malien « le 26 mars ». Il est né en 1940, et est mort le 22 septembre 1991.

Seules la première strophe (sur quatre) et le refrain sont chantés et connus de tous les maliens ; ceci n’est pas différent en France, peu de français connaissent les six strophes « officielles » et sauraient identifier - et peut-être même comprendre - les vers de la deuxième strophe : 
« ah ! quel outrage !
Quels transports il doit exciter !
C’est nous qu’on ose méditer
De rendre à l’antique esclavage ! »

L’Hymne malien est beaucoup moins guerrier que le français qui était à l’origine un « Chant de guerre pour l’armée du Rhin ». Il y est bien entendu question de l’ennemi, mais en termes moins sanglants et seulement une fois dans le premier couplet (où il peut aussi être « de l’intérieur ») et une fois dans le 3ème couplet (appel à la vigilance).

Si combat il y a, ce qui est partout affirmé c’est qu’il s’agit d’un combat pour le progrès, pour sortir le Mali de la misère, pour l’unité de l’Afrique. Il y est surtout question d’espoir et d’ardeur au travail, et non, comme dans l’hymne français, de vengeance et de « sang impur » abreuvant « nos sillons ». Et le « Vaincre ou mourir » de La Marseillaise fait place ici au proverbe malien « Mieux vaut la mort que la honte », vieux proverbe et parole de sagesse des anciens connu de tous les maliens dès leur plus jeune âge.
D’ailleurs, dans cet hymne, tout le monde se lève, se dresse, se mobilise, se donne la main, mais personne ne prend le fusil et ne crie « aux armes, citoyens : ».

En guise d’introduction, je vous recommande l’écoute de cette vidéo sous-titrée, l’hymne est chanté « a cappella » par le Dr. Ramata Cissé d’Atlanta city, USA :

Vous trouverez sur internet d’autres interprétations sympathiques comme celles suggérées tout en bas : par des enfants scolarisés, ou même par l’ambassadeur de l’Inde au Mali et sa fille !

version officielle version bambara traduction du bambara
en français A. Bari, 1979 mali-pense
Hymne du Mali Mali fasa [1]. Hymne du Mali
1 - À ton appel Mali pour ta prospérité 1 - Mali mana a kanbɔ ɲɛtaa kɛlɛba don 1 - Quand le Mali se déclare, c’est un grand combat pour le progrès
Fidèle à ton destin nous serons tous unis An bɛɛ bɛ an cɛsiri [2] ka layidu tiimɛ Nous mettons tous de l’ardeur au travail afin d’accomplir les promesses
Un Peuple un But une Foi So, haju, ŋaniya kelen [3] Une maison, une préoccupation, une même volonté
Pour une Afrique Unie Farafinna kelenya L’unité africaine
Si l’ennemi découvre son front Au dedans ou au dehors Debout sur les remparts Jugu mana a kunbɔ kɔnɔna wa kɛnɛ ma bɛɛ ka wuli k’i jɔ Que l’ennemi surgisse du dedans ou du dehors chacun se lève et se dresse
Nous sommes résolus de mourir Saya ka fisa malo ye. Mieux vaut la mort que la honte.
Refrain Laminɛni. Refrain.
Pour l’Afrique et pour toi Mali - Notre drapeau sera liberté Farafinna ni an faso Mali jɔnjɔn in ko : hɔrɔnya bɛrɛ Le drapeau de l’Afrique et de notre patrie le Mali, c’est la liberté vraie.
- Pour l’Afrique et pour toi Mali - Notre combat sera unité Farafinna ni an faso Mali kɛlɛ in ko : kelenya kɛlɛ Le combat de l’Afrique et de notre patrie le Mali, c’est le combat de l’unité.
- O Mali d’aujourd’hui Un ! Mali tile bɛ bi Attention, c’est aujourd’hui le jour du Mali.
- O Mali de demain Un ! Mali tile bɛ sini Attention, ce sera demain le jour du Mali.
Les champs fleurissent d’espérance Jigiya forow funtira kayira Les champs de l’espoir portent en germe la paix.
- Les cœurs vibrent de confiance Denw hakili latigɛra pewu-pewu. Les enfants [4] sont tout à fait soulagés.
2 - Debout villes et campagnes Debout Femmes Jeunes et Vieux 2 - wuli so ni kungo muso cɛ ni denmisɛn 2 - Debout villes et campagnes, femmes, hommes et enfants
- Pour la Patrie en marche Wuli ɲɛtaa kama Debout pour le progrès
- Vers l’avenir radieux - Pour notre dignité Bɛɛ ka wasa sini faso danbe kama Que chacun se mobilise pour la dignité de la patrie de demain
- Renforçons bien nos rangs - Pour le salut public An ka an ka jɛ sinsin jama hɛrɛ kosɔn Renforçons notre union pour le salut public
- Forgeons le bien commun - Ensemble au coude à coude - Faisons le chantier du bonheur Foroba [5] ka yiriwa ka an bolo di ɲɔgɔn ma ka daamu forobaci kɛ. Que le bien commun se développe et que nous nous donnions la main pour accomplir la construction commune du bonheur.
Refrain Laminɛni. Refrain.
Pour l’Afrique et pour toi Mali - Notre drapeau sera liberté Farafinna ni an faso Mali Jɔnjɔn in ko : hɔrɔnya bɛrɛ Le drapeau de l’Afrique et de notre patrie le Mali, c’est la liberté vraie.
- Pour l’Afrique et pour toi Mali - Notre combat sera unité Farafinna ni an faso Mali kɛlɛ in ko : kelenya kɛlɛ Le combat de l’Afrique et de notre patrie le Mali, c’est le combat de l’unité.
- O Mali d’aujourd’hui Un ! Mali tile bɛ bi Attention, c’est aujourd’hui le jour du Mali.
- O Mali de demain Un ! Mali tile bɛ sini Attention, ce sera demain le jour du Mali.
Les champs fleurissent d’espérance Jigiya forow funtira kayira Les champs de l’espoir portent en germe la paix.
- Les cœurs vibrent de confiance Denw hakili latigɛra pewu-pewu. Les enfants sont tout à fait soulagés.
3 - La voie est dure très dure - Qui mène au bonheur commun 3 - sira ka gɛlɛn haali jamana nafa sira La voie est vraiment très dure, la voie de la prospérité du pays
- Courage et dévouement Dusu ani kaari Courage et dévouement
- Vigilance à tout moment Badaa janto jugu la Gare à l’ennemi toujours
- Vérité des temps anciens Tiɲɛ kunun tiɲɛ Vérité d’hier
- Vérité de tous les jours Tiɲɛ bi ni sini Vérité d’aujourd’hui et de demain
- Le bonheur par le labeur - Fera le Mali de demain Mali bɔ nɔgɔ la [6] o sabu dan ye baara ye. Tirer le Mali de la misère ne se fera que par le travail.
Refrain Laminɛni. Refrain.
Pour l’Afrique et pour toi Mali - Notre drapeau sera liberté Farafinna ni an faso Mali jɔnjɔn in ko : hɔrɔnya bɛrɛ Le drapeau de l’Afrique et de notre patrie le Mali, c’est la liberté vraie.
- Pour l’Afrique et pour toi Mali - Notre combat sera unité Farafinna ni an faso Mali kɛlɛ in ko : kelenya kɛlɛ Le combat de l’Afrique et de notre patrie le Mali, c’est le combat de l’unité.
- O Mali d’aujourd’hui Un ! Mali tile bɛ bi Attention, c’est aujourd’hui le jour du Mali.
- O Mali de demain Un ! Mali tile bɛ sini Attention, ce sera demain le jour du Mali.
Les champs fleurissent d’espérance Jigiya forow funtira kayira Les champs de l’espoir portent en germe la paix.
- Les cœurs vibrent de confiance Denw hakili latigɛra pewu-pewu. Les enfants sont tout à fait soulagés.
4 - L’Afrique se lève enfin 4 - Farafinna dan ka wuli 4 - Salut au soulèvement de l’Afrique
- Saluons ce jour nouveau Taare ! fiɲɛ kura Bravo ! un vent nouveau
- Saluons la liberté Taare ! mahɔrɔnya Bravo ! libération
- Marchons vers l’Unité Kelenya sira magɛn Rejoignons la voie de l’unité
- Dignité retrouvée - Soutient notre combat Danbe [7] seginna an ma ka cɛsiri sinsin La dignité nous est revenue et renforce notre ardeur au travail
- Fidèles à notre serment - De faire l’Afrique unie Farafinna kelenya layidu tiimɛ kama L’Afrique s’unit pour accomplir les promesses
- Ensemble, debout mes frères A’ ye wuli n badenw Debout mes frères
- Tous au rendez-vous de l’honneur. Bɛɛ ka ye o dawulakɛnɛ kan. Que chacun soit présent sur le champ de la gloire
Refrain (final) Laminɛni ( laban ) Refrain (final)

Notes

[1le mot fàsa a en bamanankan le sens général de « louange »

[2littéralement « cɛ́ sìri » : attacher la taille ou « se serrer la ceinture »

[3só : la maison, symbole du vivre ensemble, háju : préoccupation, problème, souci commun, mot d’origine l’arabe, ŋàniya : volonté, résolution - et kélen qui veut dire « un, le même ». Ces trois mots sont une transposition de la devise du Mali, « Un Peuple un But une Foi » : Fàsojama kelen, Kùntilenna kelen, Ŋaniya kelen

[4Cette traduction peut être contestée : en effet le mot dén a plusieurs sens : en agriculture il s’agira du fruit. Dans un contexte familial il s’agira de l’enfant, on en dérive dénmuso : la fille (enfant-femme), et mɔ̀den le petit-enfant (grand-parent enfant). Dans un contexte social, il peut s’agir de toute personne, comme dans le mot dérivé fàsoden : citoyen (patrie enfant). Ce dernier sens est peut-être le plus approprié ici.

[5le mot fòroba « le grand champ », c’est-à-dire le champ commun du village, désigne par extension le Bien public. C’est un thème important de cet hymne. Tous ceux qui dilapident ou détournent le fòrobawari (public argent) sont des traîtres à la patrie.

[6le mot bɔ́nɔgɔla (littéralement bɔ́ : sortir de la misère : nɔ́go) a pris le sens courant de progrès, développement.

[7le mot dànbe : - dignité, fierté, estime de soi retrouvée - est une revendication très importante des peuples colonisés à l’aube de leur libération, et aujourd’hui encore par exemple chez les migrants mal considérés dans leur pays de refuge. cf le très beau livre d’Aya Cissoko, danbé, calmann-lévy, 2011

jeudi 24 novembre 2022

NB: Pour un message en privé à l'auteur, envoyer un email à : contact@mali-pense.net

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